Nous ne sommes pas des arabes de service

Entretien exclusif

Entretien accordé à Denis DAUMIN   |   Chef du service pour La Nouvelle République

Nous ne sommes pas des arabes de service


Vos adversaires, droite comme à gauche, vous désignent comme des communautaristes avançant masqués. Pourquoi tant de haine ?

Probablement parce que nous gênons. Plusieurs de nos opposants, non des moindres – je veux parler de ceux qui trustent tribunes et interviews à pleine année – diffusent même de colossales contre-vérités dans le but de nous nuire.

Nous voudrions imposer le halal dans les cantines, séparer les hommes des femmes dans l’espace public, ériger des mosquées dans les quartiers, etc.

Aucun de nos candidats ne prône cela, évidemment. Nous avons d’ailleurs engagé des procédures à ce sujet. La réalité c’est que ces partis établis, installés dans le paysage depuis des lustres, ont tout intérêt à nous discréditer en appuyant sur ce fantasme. C’est ce que j’appelle le logiciel réflexe “ Soumission ” par référence au livre de Michel Houellebecq.

Ça fonctionne assez bien, les esprits sont réceptifs, et ça clôt le débat que nous prétendons ouvrir.


Mais la dénomination même de votre parti intègre le mot “ musulmans ”. Vous tendez la perche à ceux qui vous accusent de séparatisme larvé.

Le séparatisme, c’est celui qui s’est organisé dans l’indifférence et le silence. C’est, par exemple, la partition exemplaire de Joué-lès-Tours entre le centre-ville pavillonnaire, résidentiel, apaisé et la périphérie des cités. On y a parqué, non plus des habitants, mais des individus partageant un certain nombre de caractéristiques. Il se trouve qu’un certain nombre sont de confession musulmane. Nous considérons, nous, que cela ne suffit pas à les définir. Et à nos yeux cette caractéristique a, non pas un sens religieux, mais une signification profondément politique.


C'est à dire ?

C’est toute la question du rélèguement, de la citoyenneté de deuxième zone. Pour dire les choses autrement : c’est la trahison de la devise républicaine. Liberté, égalité, fraternité. Où sont-elles ? Confisquées au bénéfice des élites de ce pays. Où est l’égalité scolaire et sanitaire lorsque l’on vit dans ces quartiers ? Nous ne sommes pas les seuls à poser ces questions mais nous avons une certaine légitimité pour le faire.


La République rime aussi avec laïque. Seriez-vous disposé à signer, par exemple, une charte de laïcité ?

Des deux mains si chacun la signe. Nous nous revendiquons comme républicains donc comme laïcs et nous ne demandons pas de certificat de musulmanité à nos colistiers. Nous nous considérons comme citoyens d’un pays, la France, auquel nous sommes attachés. Le Français musulman a bien autre chose à proposer à la collectivité que la charia, croyez-moi. Aujourd’hui, de quoi nous parlent les gens ? Pas de mosquée dans le quartier, je vous rassure. Ils veulent une école qui garantisse les mêmes chances à leurs enfants, une police qui chasse les trafiquants et des perspectives sérieuses d’emploi sur lesquelles ils pourraient asseoir leurs projets. Bien sûr, tous les candidats le promettent. Quoique adossés pour la plupart à des moyens cent fois supérieurs aux nôtres, respecteront-ils leurs engagements ? Nous participons aussi à cette campagne pour le leur rappeler, mais nous pouvons travailler avec tous.


Sauf le RN, évidemment ?

Ça va sans dire. Mais mieux en l’illustrant. Nous avions une liste à Maubeuge (Nord) nous l’avons retirée car elle devenait un argument de campagne pour le RN. Nous ne voulions pas être les boucs émissaires. Notre position, vigilante, est différente avec les autres.


Au risque d’alimenter des soupçons de collusion avec certains candidats clientélistes?

Vous faites référence à l’UDI en banlieue nord-francilienne. Nous avions pris des accords et obtenu un élu auquel les moyens ont été retirés. Il a démissionné.

Nous ne voulons pas être éternellement les Arabes de service.